Bien qu'anonyme, l'auteure du témoignage présenté ici est probablement connue des habitants de la région de Buchères. Il s'agit sans doute de l'un des premiers récits sur le massacre de Buchères par un témoin directement concerné : la fille de l'intéressée a été mitraillée et est morte le 24 août.
Mère de famille, l'auteure est fort soucieuse de la Libération qui s'annonce. Sachant les Allemands en fuite, elle craint pour la vie des siens. Le 23 août, son mari décide de construire une tranchée à l'arrière de la maison pendant qu'elle se réfugie à quelques kilomètres de là avec sa plus jeune fille et son petit-fils. La première partie du récit reconstitue bien l'atmosphère d'angoisse et de connaissance approximative de la situation : où sont les résistants ? Où sont les Allemands ? Où sont les Américains ? L'auteure est hébergée par des instituteurs d'un village proche où tous entendent avec inquiétude les mitraillages et les obus. Le grand-père, parti en éclaireur, découvre les premiers cadavres dans une rue de Buchères : une femme et ses quatre enfants. Au loin, plusieurs maisons sont en feu mais nul ne sait encore ce qui se passe vraiment. N'y tenant plus, l'auteure revient chez elle à Maisons-Blanches et découvre sa fille enveloppée dans un linceul. Dans la seconde partie "Ce que fut le massacre" (17), l'auteure a probablement mené l'enquête. Elle reconstitue l'itinéraire des Allemands, "bandits ivres de fureur et de sang" ayant reçu l'ordre de tout massacrer (20-21). Elle cite ainsi chaque famille décimée, chaque maison brûlée. Sans pour autant donner un bilan (68 morts, dont 35 femmes et 16 enfants de moins de 13 ans), elle n'identifie pas non plus les responsables (la 51e brigade d'infanterie mécanisée SS). Elle explique néanmoins que les exactions ont été ordonnées en réponse à des actions de la Résistance.
Françoise Passera