Liste des résultats  
Titre : A mort (souvenirs)
Publication : Paris : Éd. de Minuit, 1946
Description matérielle : 1 vol., 311 p., ill.

Edition      Auteur(s)      Genre et cadre du document      Résumé et mots-clefs      Table des matières      Annexes et notes      Accès aux documents      
Auteur : Heitz, Robert
Années naissance - décès : (1895-1984)


Genre littéraire : Récit ; Journal ou carnet
Période du récit : décembre 1940 - 24 avril 1945
Période de rédaction : 1944 - 1945
Lieu de rédaction : Allemagne ; France

Surveillé par la Gestapo - ou plutôt le SD - dès 1940, Robert Heitz, figure intellectuelle strasbourgeoise, est arrêté en mai 1942 : on l'accuse notamment d'être lié à la rédaction d'un rapport antinazi. Interrogé dans les locaux de la Gestapo à Strasbourg, il est interné dans les prisons de Kehl, d'Offenbourg puis de Wolfach jusqu'à la fin d'août 1942. Faute de preuve, il est libéré mais rapidement repris, avec d'autres membres du "réseau Bareiss" qu'il a rejoint à l'été 1941, interné à Kehl puis au camp de Schirmeck. Dans ce livre de souvenirs rédigés en 1945, peu après sa libération, Robert Heitz s'attarde, dans un premier temps, sur les interrogatoires qu'il a, dès lors, subis des mois durant. Du côté des policiers de la Gestapo, c'est l'habituelle tactique "de la violence alternant avec les exhortations patelines" (56). L'auteur échafaude des histoires afin d'avouer sans avouer, "charge" des camarades disparus ou hors de danger. Avec l'un de ses interrogateurs, dénommé Darmstoedter, l'affrontement psychologique prend le tour d'une compétition sportive, où les deux adversaires finissent par se respecter. De manière générale, le ton de l'auteur, peu vindicatif, plus antinazi qu'anti-allemand, tranche avec celui, vengeur et germanophobe, de la plupart des témoignages de résistants victimes de la répression nazie parus à la même époque.
Déféré devant la justice militaire, Heitz est jugé en mars 1943 par le tribunal de guerre de Strasbourg et condamné, avec une dizaine d'autres camarades du "réseau Bareiss", à la peine de mort. Du maréchal Pétain jusqu'au premier bourgmestre de Stuttgart, qui intercède auprès de la chancellerie du Reich, les interventions se multiplient pour obtenir la grâce des Alsaciens. L'auteur tente de rapporter, au mieux, le climat mental qui est le sien durant ces huit mois dramatiques dans l'antichambre de la mort. Transféré à la prison de Bruchsal, il est officiellement gracié, avec ses amis, en novembre 1943. Le moral s'améliore, mais le régime disciplinaire est toujours plus éprouvant - "la faim intolérable" (139), le froid (l'hiver 1943-1944 est fort rude), la solitude, etc. Par chance, la bibliothèque de Bruchsal est riche de 6000 volumes. Pour tromper l'ennui, Heitz lit tout ce qu'il peut lire - c'est-à-dire avant tout des livres de doctrine ou "orientés", comme la somme de Houston S. Chamberlain Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (La Genèse du XIXe siècle), dont le style lui rappelle celui de Léon Daudet ! Le souvenir de ces nombreuses lectures est l'occasion pour l'auteur de livrer une déconstruction intellectuelle du nazisme et du racisme. A partir du mois d'août 1944, Robert Heitz peut tenir son journal. Il suit avec passion l'avancée des troupes alliées, se réjouit de la libération de l'Alsace et fait la chronique des bombardements, de plus en plus présents et inquiétants, qui finissent par détruire Bruchsal en mars 1945. Le prisonnier est alors évacué à la prison de Ludwigsbourg puis libéré le 20 avril. Avant son retour à Strasbourg quatre jours plus tard, il ne peut se dérober à l'étonnante et fastueuse invitation du premier bourgmestre de Stuttgart. S'il souligne le changement d'attitude des gardiens allemands à son égard à partir de 1944, il le fait sans ironie exagérée et avec une empathie peu commune. Homme intelligent et philosophe, il exhorte ses camarades de la Résistance à ne pas se laisser gagner par l'amertume et l'esprit de vengeance.
Dans ses mémoires, Souvenirs de jadis et de naguère (chez l'auteur, 1963), Robert Heitz ajoute "quelques compléments, qu'il n'était pas possible de publier en 1945" (10). L'auteur ignorait alors que son activité de résistant au sein du "réseau Bareiss" s'inscrivait dans le cadre du réseau CND-Castille du colonel Rémy. Il livre aussi le "véritable roman d'aventures" dont le premier bourgmestre de Stuttgart, Karl Strölin (auquel il doit en grande partie d'avoir eu la vie sauve en 1943), "a été le personnage principal" (180-181) : l'intéressé fut l'un des principaux artisans du complot contre Hitler du 20 juillet 1944. L'auteur raconte enfin que son manuscrit A mort ne dut qu'à l'insistance de Vercors d'être publié, un an après sa soumission aux éditions de Minuit : la modération de ses jugements à l'égard de "certains allemands" aurait choqué, et "l'éditeur prit soin de laisser pourrir dans ses caves les paquets de livres qui étaient destinés à la vente en dehors de l'Alsace" (116).

Laurent Joly


Thématique(s) générale(s) : Internement
Mots-clefs : Allemagne. Geheime Staatspolizei (Gestapo) , Alsace (France) , Antinazisme , Arrestations , Bareiss, Charles (1904-1961) , Bombardements aériens alliés , Bruchsal (Allemagne, Bade-Wurtemberg; prison) , Forces françaises combattantes (FFC). Réseau Bareiss , Gardiens de prison allemands , Internement (Allemagne) , Interrogatoires , Kehl (Allemagne ; prison) , Loisirs , Meyer, François (1907-?) , Prisonniers alsaciens , Prisons allemandes , Psychologie du prisonnier , Répression allemande , Résistance intérieure , Tribunal militaire allemand , Vie carcérale , Weninger, Alfred (1897-?)

Chapitre I : Premiers contacts avec la Gestapo (9)
Chapitre 2 : Kehl, Offenburg, Wolfach (23)
Chapitre 3 : Nouvelle arrestation, Schirmeck, Aveux (43)
Chapitre 4 : ... à mort ! (67)
Chapitre 5 : Bruchsal (105)
Chapitre 6 : Pour tromper l'ennui (139)
Chapitre 7 : Journal 01/08/44 - 31/12/44 (157)
Chapitre 8 : Journal 01/01/45 - 31/03/45 (199)
Chapitre 9 : Ludwigsburg et Stuttgart (231)
Annexes :
I : Le "rapport d'Alsace" (271)
II : Le "rapport économique" (297)
III : Rapport du Commandeur de la Gestapo (307)
IV : Décision d'Adolf Hitler (309)

Lieu(x) d'édition : Paris
Éditeur(s) : Éd. de Minuit
Année d'édition : 1946
Lieu d'impression : Strasbourg (Bas-Rhin)
Imprimeur : Müh-Le Roux
Date d'impression
(ou dépôt légal ou achevé d'imprimer) :
1 août 1946
Note sur les éditions :
Mention d'édition : 1re éd.
Édition à titre posthume : Non
Traduction : N'a pas été traduit.
Langue : Française
Documents annexes :

Dédicace :
"Quels autres noms inscrire en tête de ce recueil de souvenirs que les vôtres, mes camarades, qui n'avez pu vivre la victoire et le retour au foyer : Raoul Clainchard [...], Eric Horning [...], Camille Ruff [...], Frédéric Schaelderlé [...], Charles Vuillard [...], Franz Arbesser [...]."

[l'exemplaire déposé au Mémorial de Caen, collection du Colonel Rémy, comporte la dédicace manuscrite suivante : "Au Colonel Rémy ces souvenirs du temps où un petit arrière-goût de mort rendait la vie plus passionnante. En témoignage d'admiration. Robert Heitz."]

Photographies :
"Bruchsal - Intérieur d'un pavillon" (h.t.)
"Gehrum 1946" (51)
"Buck 1946 - photo Divisch" (57)
"Le Gauleiter Wagner 1941" (77)
"Page écrite au lendemain de la condamnation" (98)
"Le Gauleiter Wagner 1946" (105)
" Bruchsal - La guillotine" (113) 
"Louis Schumacher, maire de Wissembourg, printemps 1945" (119)
"Bruchsal : a) La cour - b) Promenoir des grands criminels" (130) 
"Bruchsal - Eglise avec les cages individuelles" (133)
"Les condamnés de mars 1943, Raoul Clainchard, Frédéric Schaelderlé, Charles Vuillard, Dr Charles Bareiss, Alfred Weninger, François Meyer, Robert Heitz, Emile Cremer, Francis Anglo, Marcel Brucker, Georges Henner, Joseph Bosenmeyer, Claude Fiefel, Pierre Schreckenberg, Edmond Butcha, Marcel Klein, Emile Schmitt, Victor Giesi, Louis Schumacher, Joseph Rey, René Radius, Louis Deyber" (h.t.)
Texte :
poèmes de l'auteur (80-84)

Références bibliographiques :

Heitz, Robert, Souvenirs de jadis et de naguère, chez l'auteur, 1963, 325 p.