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Titre : Levée d'écrou
Publication : Paris : A. Bonne, 1948
Description matérielle : 1 vol. , 182 p., Photogr.

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Auteur : Lupo, Georges
Années naissance - décès : (?-?)


Genre littéraire : Journal ou carnet
Période du récit : 4 février 1947 - 22 juin 1947
Période de rédaction : février 1947 - juin 1947
Lieu de rédaction : Fresnes

En février 1947, Georges Lupo, journaliste sous l'Occupation (Paris-Soir, Paris-Midi), est condamné par la cour de justice de la Seine à six mois de prison. Le procès, tel qu'il est relaté, est grotesque, l'accusation ne reposant que sur une poignée de dénonciations misérables. Dans la salle, la journaliste Madeleine Jacob, bête noire de l'auteur, mitonne son article du lendemain. Lupo est écroué à Fresnes avec la ferme intention de témoigner, en journaliste, de l'injustice de l'épuration. Dès son arrivée, il fait le tour des personnalités, salue respectueusement les anciens ministres de Vichy Adrien Marquet, Yves Bouthillier, Paul Baudouin ou René Bousquet, échange à plusieurs reprises avec Paul Marion, croise l'ex-directeur de la Police municipale parisienne Emile Hennequin et nombre d'anciens confrères, jusqu'à un vieil ami, Yves Dautun, auprès duquel il débuta dans la carrière vingt ans plus tôt. Le 9 mars, en bon journaliste, Lupo choisit de changer de terrain d'observation : "Il n'est que temps pour moi [...] de faire connaissance avec la prison et sa faune. Je laisse les ministres, les huiles et leur entourage dans leur petit secteur nord du quatrième étage et je demande à travailler, à être 'classé'. L'important est que je prenne contact le plus vite possible avec les purs, les victimes, les innocents, ceux-qui-avaient-un-idéal" (71). Quittant la 1re division pour une nouvelle cellule, qu'il partage avec deux anciens miliciens, l'auteur voit son voeu exaucé. Affecté à la lingerie, où il s'occupe de repassage ou du contrôle des couvertures trouées, il a comme compagnon de travail un ancien footballeur lié à l'Abwehr. Il fait la connaissance de jeunes hommes qui, invariablement, se sont engagés par "idéal" dans les rangs de la LVF, de la Waffen-SS ou de la Milice, tel un acrobate motocycliste, Camille Rouvre, avec lequel il sympathise et dont il relate longuement les aventures allemandes et russes. Décrivant les vêtements des personnalités de la prison qui lui passent entre les mains, Georges Lupo demeure très empressé de côtoyer les "huiles". Il se lie à Cousteau, toujours chaleureux, et Rebatet, "grogneur" perpétuel. Avec Algarron, les deux plumes vedettes de Je suis partout attendent crânement que leur sort se décide. Leur condamnation à mort est finalement commuée. Lupo aperçoit d'autres condamnés à mort, l'amiral de Laborde (lui aussi gracié) ou Fernand de Brinon, malade, qui "n'est déjà plus qu'une ombre parmi les ombres" (109) et meurt courageusement. En mai, il quitte la lingerie pour un emploi à l'extérieur, dans une ferme, où il travaille dur à la culture du poireau, avant de terminer son séjour à Fresnes comme auxiliaire d'étage, ce qui lui permet de "vadrouiller" à sa guise (175).
Jusqu'au 22 juin 1947, Georges Lupo tient ainsi régulièrement - parfois tous les jours - son journal, qui ne manque pas de qualité descriptive. Illustré d'une quinzaine de photographies de la prison - prises par un professionnel exceptionnellement autorisé par l'administration pénitentiaire -, son témoignage rend bien compte de la mentalité particulière des réprouvés, détenus "politiques" en guerre contre la discipline bête et méchante faite pour les droits communs, qui se révoltent contre les injustices et les brimades, tentent une grève de la faim, se racontent légendes et rumeurs, qui fondent une communauté de souffrance - ainsi, le mythe des 112 000 épurés exécutés sans jugement, le fantasme des millions de dénonciations de la Libération ou les récits héroïques de la fin de Brasillach, le scandale de l'exécution de Laval, etc. -, se partagent journaux et ouvrages de réconfort (les écrits d'Alfred Fabre-Luce circulent). De manière caractéristique, Lupo emploie le terme de "déportation", de camp de "déportation", pour qualifier les camps pénitentiaires. Rendant compte de l'extrême popularité du chanoine Popot, dont les messes sont très suivies, l'auteur s'intéresse aussi de près aux intrigues homosexuelles de certains codétenus : il tient le compte des "pédales" (il en dénombre dix dans son entourage) et va jusqu'à épier les ébats de deux camarades à travers le trou d'une serrure. A côté de cela, c'est un homme cultivé, qui lit Bainville, Steinbeck, Dostoïevski, Simenon... Son expérience carcérale, la profonde injustice qu'il ressent laissent Georges Lupo totalement désabusé. Tout ce à quoi il croyait s'est écroulé, et il ne désire plus que vivre, simplement : "Patrie, Civilisation, Morale, Religion et Famille ? Sauf un père, une mère ou une femme, pour tout le reste : Rideau." (179). 

Laurent Joly


Thématique(s) générale(s) : Épuration
Mots-clefs : Collaborateurs français , Comportement des prisonniers , Cousteau, Pierre-Antoine (1906-1958) , Dénonciations , Fresnes (Val-de-Marne ; prison) , Hommes politiques français , Jacob, Madeleine (1896-1985) , Journalistes français , Marion, Paul (1899-1954) , Popot, Jean (? - ?) , Prisons françaises , Psychologie du prisonnier , Rebatet, Lucien (1903-1972) , Relations entre prisonniers , Sexualité (homosexualité) , Vie carcérale

Pas de table des matières

Lieu(x) d'édition : Paris
Éditeur(s) : A. Bonne
Année d'édition : 1948
Lieu d'impression : Sceaux
Imprimeur : Impr. de Sceaux
Date d'impression
(ou dépôt légal ou achevé d'imprimer) :
10 novembre 1948
Note sur les éditions :
Mention d'édition : 1re éd.
Édition à titre posthume : Non
Traduction : N'a pas été traduit.
Langue : Française
Documents annexes :

Dédicace : "A mère, morte de chagrin. A ma femme, emmenée comme otage."

Epigraphes : citations extraites d'Ovide, de Platon, de Tacite, de Voltaire, d'un proverbe arabe, de Jean-Baptiste Carrier (1793) et d'André Chénier (1792)

Seize photographies représentant l'intérieur et l'extérieur de la prison de Fresnes (huit pages recto verso hors texte) prises par Gaston Paris avec l'accord de l'administration pénitentiaire.

Références bibliographiques :